lundi 30 mars 2009

Triple rando à vélo

Et un jour, on pose son vélo après une rando d'enfer et quelques années plus tard, on constate qu'il a rouillé... (photo de Marie-josée)
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Troïka cycliste du 14 juillet

Parc des Iles de Boucherville, c'est court, c'est plat. Ce qui me frappe aussi ce sont ces nombreuses affiches qui mettent en garde le randonneur contre, paraît-il, l'abondance des chevreuils. Eh oui ! Mon œil de chasseur d'images est mis en état de veille, mais très vite, faute de cervidés à croquer, mes observations dévient sur d'autres attraits du parc. Quoi d'autre ? Le site offre un mélange de vues des rives nord et sud du fleuve Saint-Laurent. Chemin faisant, le paysage se modifie constamment comme pour tromper la monotonie de la plaine : vue sur Boucherville et son église, vue sur Montréal, vue d’un chapelet de plans d'eau encombrés d'embarcations de plaisance petites et grandes. Je roule doucement sur la piste. Cette surface étroite faite de petites roches bien tassées coupe à travers une succession de prairies et de petits boisés. Au passage, il monte jusqu’à mes narines des parfums changeants, comme autant de marqueurs olfactifs. En cette fin de journée du 13 juillet, l'air chargé d'humidité transportait des milliers de petits insectes qui collaient aux vêtements et à la peau, sans piquer. Les cinquante minutes de vélo, somme toute d'une exigence physique modérée pour moi qui aime bien maintenir une sortie ou deux par semaine, sont à marquer d'une pierre blanche. Rien à voir avec la difficulté du parcours, c'était la première fois que je faisais du vélo avec Louise-Michelle et Patrick. On s'est bien promis de répéter l'expérience.

Montebello, matinée du 14 juillet. Vélo de montagne au nord du village.
Du sport en solo. Maintenant sur le chemin du retour à la maison, je fais ma première halte cycliste de la journée, car il y en aura une deuxième. Ici, on n’est plus à Boucherville, c'est du sérieux. La sueur, la boue et les mouches à chevreuil se combinent dans un cocktail d'enfer. La piste, large à certains endroits, prend ailleurs l'allure d'un véritable fond de torrent asséché. Petits cours d'eau, fondrières, pentes escarpées et sinueuses, le parcours est traversé ici et là de gros cailloux et de morceaux de roc qui représentent autant de risques de chute. Dans cette piste, l’attention doit être sans faille. Mais quel plaisir!

À cet endroit le chevreuil n’est pas rare. Trois semaines passées, j'en avais surpris quelques uns, une petite troupe nerveuse, qui d’ailleurs avait tout de suite détalé à mon approche. Cette fois, je n'ai rien vu que des «couchettes» de grandes herbes aplaties qui laissaient deviner que les bêtes y avaient passé la nuit et qu’elles étaient toujours là, probablement pas très loin, dissimulées et immobiles derrière un écran végétal bien touffu. J'ai poursuivi ma cavale.

L'odeur des framboises sauvages, l'humidité des baissières ombragées qui contrastait avec le sol sec et durci des sommets ensoleillés, cette piste est à chaque fois un petit défi et une magnifique expérience. Je n'ai rencontré personne, je n'y ai vu personne et ça ne coûte rien. Allez-y mais faites-le doucement, histoire de préserver l'intimité du lieu.

Plaisance, 14 juillet. Parc national de Plaisance
D'abord, il faut vous le dire, la Réserve faunique de Plaisance est devenue depuis cette année un Parc national du Québec. Peu de changements pour l'instant, si ce n'est qu'il faut désormais s'enregistrer et payer de modestes droits d'accès de 3,50$ Je me suis garé à l'entrée du Parc puisque comme je l'ai expliqué à la jolie «ranger» de service, je ne suis là que pour le vélo. Par conséquent, peu me chaut de déplacer mon pick-up de cent mètres et de rouler cent mètres de plus sur deux roues. Vous voyez ! Toutefois, ça se complique. Imaginez-vous donc que la route ne fait pas partie du parc mais la piste cyclable, qui y est parallèle la plupart du temps, elle, en fait partie. J'avais donc le droit de rouler sur la route mais pas sur la piste juste à coté. Bon enfin ! Je ne vous dirai pas tout, mais le lecteur comprendra aisément mes réserves sur la Réserve.

Le Parc de Plaisance n'est pas sans rappeler par certains aspects le Parc de Boucherville. Abondance de l'eau sur tout le parcours, relief plat, mélange de boisés et de champs. En somme, deux écosystèmes très voisins, l’un formé d’îles, l’autre de deux presqu’îles.

Cette triple randonnée sur deux jours fut celle des parfums de fleurs de la mi-juillet où l'équilibre végétal de l’été atteint ici un sommet. Dans deux semaines, tout aura déjà commencé à basculer dans l’orbite de l’automne : moins de variétés de fleurs, formation des fruits et des graines sur les tiges, les parfums à prédominance florale se muant graduellement en odeurs de terre entretenues par les rosées matinales qui s'allongent. Entre temps, les verts tendres l'emportent largement sur le jaune et l’ocre des graminées et de la verge d’or alors que, dans la composition que forme ce tableau, les espèces hâtives mûrissent déjà leurs graines. Par la magie des forces naturelles culmine la palette des couleurs estivales dont la fragilité se révèle dans tant d’éclat. Mais n'y pensons pas. À l'heure de l'angélus, j'ai humé jusqu'à m'enivrer les parfums qui flottaient dans l'air chaud. Les vesces, le mélilot, le trèfle, l'asclépiade, les vergerettes, et les dizaines d'autres espèces familières dont les noms m'échappent.

Celui pour qui la nature est toujours une occasion de s'émouvoir s'accroche à son vélo et en fait son moyen d'exploration privilégié, tout de suite après la simple et si naturelle marche à pieds. Parmi les avantages du vélo, on avance assez silencieusement et on brûle de l'énergie sans jamais manquer de «gaz». De plus, si on peut surprendre des chevreuils à l'occasion, on est toujours sûr de revenir avec des images plein la tête, même les jours où l’on ne voit les panaches que sur des affiches jaunes !

Jour de la prise de la Bastille. Je termine en laissant à méditer cet extrait de Rouget de Lisle :

Liberté, Liberté chérie
Combats avec tes défenseurs!
Sous nos drapeaux, que la victoireAccoure à tes mâles accents
Que tes ennemis expirants
Voient ton triomphe et notre gloire!

La Marseillaise


Gilles Verrier
14 juillet 2002
Revu le 14 déc. 2008
En vol pour la Réunion

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